La banque de la République d’Haïti
procède aujourd’hui à un exercice à portée multiple pour le développement. Je
voudrais en expliciter trois en raison de leur forte capacité de transformation
sociale :
1) La production de la pensée
scientifique élevée au rang d’espace organisé de réflexion et de découverte.
2) La promotion de l’action de
développement par une appropriation plus éclairée des domaines technologiques
qui concourent à la réalisation des activités de production et d’échanges.
3) L’émergence d’un environnement
institutionnel fécond, capable de couver les rapports entre le secteur public,
le secteur privé et l’université vers des niveaux de réalisation sociale plus
proche de l’optimum.
L’activité « Recherche et Développement »
revêt bien les caractéristiques de ce levier. Et c’est fort de cette
considération que je voudrais partager avec vous la fierté que je ressens Ã
prendre la parole dans le cadre de cette première édition des journées
scientifiques à titre de Directeur Exécutif du Fonds BRH pour la Recherche et
le Développement.
Je remercie le Ministre Boisvert
d’élever la participation du Ministère de l’économie et des Finances au plus
haut niveau de représentation. Sa présence parmi nous est le gage d’une
coopération fructueuse et renforce la présence du MEF comme l’un des deux
partenaires privilégiés dans le financement du FRD-BRH et comme institution
membre du Comité Consultatif. L’autre partenaire de financement est la Banque
Interaméricaine de Développement. J’en profite pour saluer la présence en ligne
de Mme J. Lotti, Représentan la BID et à qui je prie de transmettre nos
remerciements à cette institution qui n’a pas marchandé un niveau de coopération
qui va jusqu’à la participation au Conseil scientifique du Fonds.
Je salue mes pairs du Conseil d’Aministration
de la BRH, des dévoués à la cause, qui jouent le rôle de Conseil d’administration
du Fonds
Je salue également la présence virtuelle
de Dr Samuel Pierre avec qui nous avions beaucoup échangé au cours de la
période de gestation du projet ; la présence physique de Dr … Larieux qui
siège au Comité Consultatif à titre de représentant de l’Université d’état
d’Haïti, celle de Mme Martine Deverson qui y siège en tant que représentante du
Secteur Privé et celle de M. Romel Troissou qui y siège à titre de représentant
du Ministère de l’Économie et des Finances. J’adresse une salutation spéciale
au Professeur Charles Cadet qui est membre actif du Conseil scientifique dès le
début des activités du Fonds, à Dr Ludovic Comeau junior et à Dr Katheleen
Dorsainvil pour avoir mis leurs compétences au service du Fonds pendant leur
tenure au Conseil Scientifique. En tant que Directeur exécutif du Fonds, je ne
tarie point d’éloges envers les membres passés et actuels de ce Conseil pour
leurs contributions d’autant plus appréciées qu’il s’agit de travaux réalisés sous
le sceau d’un total bénévolat
Le principe du bénévolat s’étend Ã
l’ensemble des cadres qui ont travaillé dès 2020 à l’existence du Fonds et qui
travaillent aujourd’hui encore à l’amélioration de son fonctionnement. C’est
l’occasion pour moi de remercier de vive voix ces collaborateurs pour leur sens
de responsabilité et du travail bien fait. Ils y mettent une disponibilité et
un soin qui sont proches du perfectionnisme, de la passion. Au sein de la
Direction Exécutive du Fonds, nous nous plions tous, et je dis bien NOUS, à la
pertinence des arguments comme critère ultime de décision. On y parvient sur la
base d’échanges toujours opportuns, lors de réunions virtuelles qui mobilisent
jusqu’à trois heures ou plus de notre temps utile, souvent jusqu’à des heures
vraiment tardives. On me pardonnera donc si je dis chapeau à NOUS tous chers
collaborateurs.
La mise en place du FRD-BRH fait
partie de ce processus toujours renouvelé de modernisation institutionnelle qui
atteindra certainement un jour un stade élevé de maturation mais qui continuera
au rythme des changements de paradigmes et de cycles technologiques.
Changements que rend compte si bien la vision du progrès telle qu’inscrite dans
la « destruction créatrice » de Schumpeter. Pourtant, la BRH n‘en est
pas le bénéficiaire ultime. Le Fonds est donc une contribution institutionnelle
à un domaine qui a le potentiel d’amplifier l’action de développement et de
raccourcir les cheminements qui conduisent à la réalisation des objectifs
inscrits dans le cadre de cette action.
A cette fin, la BRH tient
fondamentalement compte du caractère utile des réflexions produites dans le
cadre de projets de recherche financés en y associant prioritairement le
contenu utilitaire qui sied au besoin de transformation économique et sociale
de notre pays. Nous espérons voir des résultats concrets qui pourraient, bien
sûr, bénéficier des politiques inscrites dans le cadre de notre mandat de
banque centrale. Mais notre satisfaction serait incomplète, pour mieux dire,
notre insatisfaction serait grande si les succès du Fonds ne servent
d’émulation à la promotion d’un domaine incontournable au développement d’un
pays qui a la dotation patrimoniale suffisante et la force démographique
nécessaire, pour ne citer que ces acquis, à l’éclosion d’activités créatrice de
richesse et d’émancipation humaine.
La mise en place du Fonds BRH pour la
Recherche et le développement va donc bien au-delà d’une logique interne de
développement institutionnel. Nous y voyons une appropriation utile de cette
expérience pour forger des cadres de politique publiques et de promotion
d’activités entrepreneuriales à la mesure d’ambitions nouvelles. Nous y voyons
également un espace d’expérimentation du principe de la triple hélice qui
promeut un lieu de synergie entre l’Etat, l’Université et le secteur privé dans
l’action de production, de croissance, de développement. Nous y voyons finalement
un champ novateur d’activités de production et d’échanges dans un contexte où
l’économie de la connaissance donne, par exemple, le même droit de citer au
savoir-faire de la médecine traditionnelle du milieu rural qu’aux promesses
faramineuses des champs d’application de la physique quantique.
Cette initiative participe de la
volonté de la BRH, sans ambition de substitution ou de suppléance, de
contribuer au relèvement du niveau du dialogue dans la communauté et est en
cohérence avec nos contributions dans la formation du capital humain dans
différents programmes post gradués avec notamment, l’Ambassade de France et
l’AUF, la Fondation Sogebank à travers ce partenariat, que ce soit dans les
bourses de Master ou de mobilité doctorale Anténor Firmin, avec l’UNDH, la
Faculté des Sciences, l’Université Quisqueya, l’ISTEAH. Bien sûr, Il y a des
réflexions à faire et des actions à entreprendre pour le renforcement des
capacités locales en matière de formation post graduée, d’une part, et sur des
mécanismes à mettre en place pour la rétention de nos diplômés, d’autre part.
La société haïtienne a raté la
première et la deuxième révolution industrielle. On peut toujours se prévaloir
d’avoir évité la mécanisation humaine que présente si bien Charlie Chaplin dans
« Les Temps Modernes ». Mais rien ne pourra justifier de rater les
promesses de l’économie du savoir là où des scientifiques pointus parlent aux forêts
et changent l’humeur des plantes à l’aide de modulations hertziennes au même
titre que le médecin traditionnel qui mobilise les vertus d’une feuille aux
propriétés médicinales connues en s’adressant à la plante mère.
Ces considérations sur des
expérimentations de plus en plus ouvertes dans les domaines du savoir et du
« faire », suggèrent de ne plus voir dans la R&D une activité
exclusive de pays riches ou de grandes puissances. Il faut éviter aussi de la
considérer comme l’aboutissement d’un processus vertueux de développement socio-économique.
Il faut y voir au contraire un domaine de politiques publiques volontaristes et
un domaine d’initiatives privés dont la nécessité incombe autant à l’université
qu’au secteur des affaires. La nouvelle donne est que le prisme cartésien n’est
plus la norme en matière de réflexion et d’action scientifique.